Jaguar XJ220 - 1993
— Pour filer à l'anglaise —- Modèle Moins de 500 miles pour cette XJ 220 Le Mans Blue de 1993 conduite à droite
- Historique Un seul propriétaire avant nous. Remise en route effectuée par Don Law Racing, officine experte sur ces autos.
- Conduite Auto hors norme, record de vitesse pour une voiture de série mais utilisable en ville
- On aime Une ligne hors du commun, intemporelle et toujours très actuelle
La XJ220 a vécu le destin de bien des stars, celui de la gloire lors de sa présentation avant une longue traversée du désert et une reconnaissance venue sur le tard. Un destin peu commun pour une auto extra ordinaire à l’image de notre exemplaire de couleur « Le Mans Blue » vendue neuve en février 1993 au Royaume-Uni.
La XJ220, la revanche d’une auto oubliée et enfin célébrée à juste titre
Les années 80 et 90 sont associées aux folles années des supercars où un engouement sans précédent mêlé à la spéculation a mis sur le devant de la scène ces autos produites en série limitée. Ce statut culte mêlait à la fois design radical, technologie de pointe et des pratiques sulfureuses comme la revente de bons de commande au marché gris ou la participation de stars au Gumball à leur volant à des vitesses folles.
Bref, les supercars ont beau ne pas être très politiquement correctes, on les adore ! Et si la Jaguar XJ220 était le symbole de cette ère, elle qui a été suscité une folle spéculation à son lancement en 1988 avant d’être critiquée lors de la sortie de la voiture de série, puis oubliée et enfin de nouveau célébrée ?
Notre auto n’a connu qu’un seul propriétaire qui n’a parcouru que 440 miles avant qu’elle ne soit mise à l’abri pour un très long sommeil de plus de 25 ans. Ce n’est qu’en 2021 que nous avons remis en route cette auto exceptionnelle.
Nous avons emmené notre Jaguar XJ220 au Royaume-Uni, ses terres d’origine, pour une remise en route en bonne et due forme. Lui redonner vie en respectant son ADN était une priorité.
Une telle renaissance après un long silence est un peu à l’image du modèle. Après avoir enregistré un nombre de pré-commandes dépassant toutes les espérances, la XJ220 avait subi les ires de la presse quand la voiture de série, modifiée par rapport au prototype de Birmingham, avait été présentée. Ceci était assez injuste si on considère les qualités intrinsèques hors norme de cette automobile à part, à commencer par son allure sculpturale taillée pour une aérodynamique très poussée, sa vitesse de pointe record et ses innovations technologiques.
Le retour de la Jaguar XJ220 enchante Patrick Duvarry : « Nous souhaitions organiser une « battle » symbolique opposant l’icône de Maranello, notre F40 et notre XJ220 comme l’avait envisagé dans les années 90 leur seul et unique propriétaire. Ces deux autos, très peu kilométrées, sont après tout deux des meilleures représentantes de cette folle ère des supercars. »
Si, pour des raisons techniques, la bataille sur circuit n’a pu être organisée, nous avons souhaité sublimer ces deux autos en photos. C’est donc une battle virtuelle et symbolique que nous vous offrons ici-même.
Notre XJ220 a également été exposée en 2021 dans l’espace Supercars de Sport & Collection, l’événement annuel dédié à la lutte contre le cancer, une cause à laquelle nous sommes très attachés.
Le grand retour des supercars sur la scène de la collection automobile
Aujourd’hui encore les supercars continuent de nous faire rêver et nombre d’entre-elles voient leur cote s’envoler, un phénomène d’autant plus compréhensible que ces autos que l’on retrouvait sur la plupart des posters de chambres d’enfants ont aujourd’hui rejoint le garage de ces mêmes enfants devenus adultes.
Certaines collections automobiles leurs sont totalement dédiées et le marché américain – le premier au monde pour ces autos – qui leur était parfois interdit faute d’homologation, leur est désormais ouvert une fois que les autos ont plus de 25 ans d’âge.
Les italiens, en particulier Lamborghini et Ferrari avant que Bugatti ne présente l’EB110 étaient certainement devenus les maîtres incontestés de cet exercice aux côtés de Porsche. Le Royaume Uni, autre grande nation de la belle automobile ne resta pas longtemps insensible aux supercars et tant Jaguar qu’Aston Martin, avant que la McLaren F1 ne vienne révolutionner à jamais ce marché s’aventurèrent dans ce monde à part.
La XJ220, la supercar signée Jaguar que personne n’attendait
C’est le 18 Octobre 1988 au salon international de Birmingham que Jaguar présenta officiellement sa XJ220 mais sa conception fut loin d’être académique, à vrai dire elle fut quasi clandestine. En effet, c’est le « club du samedi » ainsi appelé parce que ces ingénieurs se réunissaient en off le week-end pour travailler sur des projets officieux qui fut à l’origine de ce projet. Il visait à combler un vide entre les Jaguar de série et celles de compétition en remettant au goût du jour le concept de la Type C, ultra compétitive en course mais suffisamment polyvalente pour rouler tranquillement.
Ajoutons que non sans patriotisme, les Anglais avaient aussi envie de montrer aux Allemands et aux Italiens qu’ils étaient capables de rentrer dans le cercle très fermé des supercars.
Il y a d’ailleurs un point commun entre la XJ220 et la F40 de chez Ferrari : celle d’une conception en tout petit comité en off le samedi, mais avec une différence de taille. C’est en effet Enzo Ferrari lui-même qui avait souhaité cette auto mais sans passer par les procédures internes maison qu’il jugeait trop lourdes !
La comparaison s’arrête en effet-là car la XJ220 ne fut approuvée qu’une semaine avant sa présentation officielle… Et le prototype ne fut terminé qu’aux aurores le matin de sa présentation. D’ailleurs Jaguar n’avait en réalité aucun projet de vendre sa supercar mais le succès fut tel que la maison a vite changé ses plans.
Un lancement au succès retentissant
Si au Royaume-Uni, le tarif officiel de la XJ220 était de 290.000 £ en 1989 avec un premier dépôt de 50.000 £, ce qui en faisait une auto très chère, le succès fut malgré tout au rendez-vous : Jaguar reçut en effet plus de 1.000 ordres d’achat !
Précisons que l’époque aidait, nous étions alors en pleine frénésie des supercars avec un marché en surchauffe. Il faut dire que les chiffres du prototype étaient tout simplement hors normes avec un moteur V12 à 48 soupapes et injection de 6,2L de 530 chevaux.
Enfin, le nom de l’auto portait une symbolique importante : XJ pour Experimental Jaguar et 220 pour 220 miles / hour soit la barre mythique des 350 km/h. C’était également un rappel de la codification utilisée 40 ans plus tôt pour la XK120, première voiture de série à atteindre les 120 miles / hour et elle aussi présentée au salon de Birmingham en 1948 où elle avait été accueillie avec un vrai effet de surprise et un nombre de commandes considérable et inattendu.
Au-delà de ces chiffres, la Jaguar XJ220 avait de quoi séduire les plus blasés avec une conception très en pointe, celle d’un châssis monocoque associé à des lignes aérodynamiques très travaillées et élégantes qui tranchaient avec la brutalité de la F40. Bref, Jaguar et l’Angleterre tenaient là leur revanche !
Du rêve à la réalité, la difficile gestation d’une supercar
Si l’avenir s’annonçait radieux pour la Jaguar XJ220, en coulisses, ce fut un véritable cauchemar logistique qu’affronta la marque : d’une part, Jaguar tout juste racheté par Ford en 1989 n’avait pas les ressources pour développer une telle voiture, il lui fallut donc se tourner vers son département Jaguar Sport associé à Tom Wilkinshaw Racing, d’autre part le projet fit vite face à un dérapage des coûts et à un prix de revient par voiture bien trop élevé.
Très vite, il fallut revoir les ambitions à la baisse en abandonnant l’ouverture des portes en élytre, la transmission intégrale mais surtout en renonçant au cœur de la voiture qui avait fait rêver le public : le V12 dessiné plus de 30 ans auparavant par l’ingénieur William Heynes. Décision fut prise de le remplacer par un V6 biturbo de 3,5 litres issu de la MG Metro 6R4 qui servit de base à la Metro groupe B. Un tel changement allait entraver totalement le lancement de la voiture de série et décevoir journalistes et acheteurs dont beaucoup décidèrent de renoncer à leur commande.
A vrai dire, cette cure d’amaigrissement a été bénéfique pour le poids total de la voiture qui avec 1.470 kilos annoncés et 1.688 kilos mesurés lors d’un essai par Automobiles Classiques en 1992 n’était pas un poids plume, malgré un châssis créé à partir de sections en nid d’abeille d’aluminium particulièrement rigide et robuste. Pour rappel, la Porsche 959 ne pesait que 1.400 kilos.
L’autre gain fut sur les émissions de la voiture mais aussi sur sa longueur hors catégorie pour une supercar. Ce changement de taille avec un gain de 25 centimètres sur la longueur initiale a été rendu possible par l’implémentation du V6 plus compact que le V12.
Des performances hors norme
Si les critiques liées au changement de motorisation sont compréhensibles tant un moteur V12 a une aura à part, elles le sont beaucoup moins si on s’en tient à l’angle de la performance pure. En effet, avec une vitesse de pointe de 342 km/h entre les mains de Martin Brundle qui déclara que le limiteur de régime l’avait empêché de rouler plus vite, la voiture était incroyablement rapide pour l’époque. Et elle l’est toujours au regard des standards actuels !
Précisons que ce moteur délivrait 542 chevaux pour 642 Nm de couple. Léger bémol, il semblerait que le 0 à 100 km/h en 3,9 secondes affiché par Jaguar soit un rien optimiste, aucun testeur routier de l’époque n’ayant réussi à reproduire ces chiffres.
Avec l’aide de quelques modifications comme le retrait des convertisseurs catalytiques non requis par la législation européenne, la XJ220 a pu atteindre les 349 km/h ! Ce record validé est resté inégalé jusqu’à l’arrivée de la McLaren F1 qui le pulvérisera en 1998, soit 10 ans après la présentation du prototype de la XJ220, avec une vitesse de pointe de 386,4 km/h. De même, en 1991, un prototype de Jaguar XJ220 imposa un nouveau record du tour du Nürburgring en 7:36,46.
Bref, comme de nombreux amateurs d’automobiles, nous estimons que les procès faits à la sortie de la XJ220 restent largement infondés au regard des qualités hors du commun de cette auto.
Une incursion en course
Comme un certain nombre de supercars de l’époque, Ferrari F40 en tête, la tentation fut grande de faire courir la XJ220 et c’est en 1993 que Jaguar engagea trois Jaguar XJ220-C de course aux 24 heures du Mans avec une victoire remarquée en catégorie GT entre les mains du trio John Nielsen, David Brabham et David Coulthard. Malheureusement l’euphorie fut de courte durée, car en découvrant que les Jaguar avaient roulé sans leurs convertisseurs catalytiques, une exigence du règlement, les commissaires techniques décidèrent de les disqualifier.
Cette auto était une émanation d’une version plus extrême de la XJ220 de route qui avait été lancée par Tom Walkinshaw avec une carrosserie en carbone plutôt qu’en aluminium, le V6 biturbo gonflé de 540 à 680 ch et des appendices aérodynamiques. Produite en six exemplaires, c’est cette XJ220S qui a permis l’homologation de la XJ220C de compétition.
Une carrière commerciale tronquée
Tant le changement de moteur et l’abandon de certains traits stylistiques que le tarif final de 470.000 pounds, soit environ 1 million d’euros actuels, prohibitif par rapport à celui de départ pourtant déjà élevé ont entraîné de nombreux retraits de commandes et des actions en justice d’acheteurs.
Prévue initialement à 350 exemplaires, la XJ220 n’a au final été produite qu’à 275 exemplaires entre 1992 et 1994. Il se murmure que certains exemplaires mirent très longtemps à être vendus. Il faut dire qu’entre temps la frénésie spéculative autour des supercars s’était sérieusement calmée et que le lancement de la McLaren F1 en 1992 a mis la Jaguar au second plan. Enfin, le fait que la voiture ne soit guère homologuée aux Etats-Unis, tout comme la Bugatti EB110 d’ailleurs, a également sérieusement compromis leurs carrières.
Prévue en cinq couleurs métalliques qui toutes portaient le nom d’un circuit, la Jaguar fut vendue en rouge « Monza (25 autos), gris argent « Spa » (126 autos), bleu « Le Mans » (63 autos), vert « Silverstone » (43 autos) et noir « Daytona », la couleur la plus rare avec 18 autos seulement. Différentes autos ont par la suite adopté d’autres couleurs, ce fut en particulier le cas des XJ220S.
La remise en route de notre XJ220, l’histoire d’une renaissance
Notre Jaguar XJ220 bleu Le Mans à conduite à droite, vendue neuve en 1993 est sortie d’une révision complète de chez Don Law début 2021 après plus de 25 ans de sommeil.
Notre exemplaire très peu kilométré, moins de 500 miles, se révèle à la hauteur du mythe : envoûtant, incroyablement rapide et attachant.
Comment ne pas être sensible à certains détails anachroniques tels l’utilisation de feux arrière de Rover 200 et de rétroviseurs de Citroën CX, l’un monté sur le panneau de porte avant, l’autre directement sur la porte en vue de garantir la meilleure vision possible au pilote ? Ce choix n’était d’ailleurs pas totalement incongru tant ce rétroviseur a été utilisé par de nombreuses sportives, les Lotus Excel et Esprit, de nombreuses TVR, les Aston Martin Virage et DB7, les Marcos, les Venturi mais aussi par les premières Mc Laren F1 de pré-production ou encore par le Spider Renault!
En conclusion, comme nombre de supercars de cette époque, il est très difficile de ne pas s’attacher à cette voiture extra-ordinaire malgré ses défauts intrinsèques comme sa direction très lourde. Tant sa ligne féline, très basse avec ses multiples entrées d’air, son fond plat et son extracteur arrière que son intérieur assez sobre mais capitonné de cuir comme toute vraie Jaguar et son tableau de bord bourré de cadrans jusqu’à en disposer sur les portes sont aujourd’hui des particularismes forts qui distinguent la XJ220 de ses contemporaines.
Redécouverte récemment par le monde de collection dans la lignée de la frénésie qui s’est emparée de la Jaguar XJR-15, la XJ220 est désormais très recherchée. Pour l’avoir admirée et pilotée, on ne peut qu’approuver tant cette auto, définitivement à part, le mérite.
Remerciements –
Les équipes de Don Law Racing pour la remise en route de l’auto, celles de Sport & Collection pour avoir accueilli notre auto et Yann Geoffray pour les photos de haute qualité dans le Studio Grand Sud.